Prix Filigranes 2020 | "Sexy Summer", de Mathilde Alet

par Xavier Flament et Charline Cauchie

publié le 10/09/2020

Chaque jour qui précède l’annonce du Prix Filigranes 2020, L’Echo, partenaire de l’événement, vous propose la critique de l’un des 7 livres en lice.

Dernière ligne droite pour la 5e édition du Prix Filigranes, dont L'Echo est partenaire pour la 3e année consécutive. Le jury, composé de 50 fidèles clients, libraires et partenaires de la librairie bruxelloise, s'est réuni le 25 août dernier pour débattre d'une sélection plus pointue et plus connotée qu'à l'habitude, ce qui a eu le don de polariser les débats... Reste à présent un vote en ligne sur la sélection finale qui en est ressortie avant l'annonce du prix, dans L'Echo, le samedi 19 septembre, et sa remise, le lundi 21.

Rappelons qu'avec 15.000 euros, il s'agit du prix littéraire le mieux doté en Belgique, assorti d'un prix d'honneur de 2.500 euros pour le coup de cœur de Marc Filipson, le patron de la librairie. Mais débutons par "Sexy Summer", de Mathilde Alet, qui rassemble ce qu'on peut attendre d'un Prix Filigranes – "Un livre de qualité, accessible à tous".

"Sexy summer" commence comme ceci: "Un matin chaud de juillet, la vieille Opel roule sur un pont d'autoroute majestueux qui promet des sommets. Quelques kilomètres après elle s'encaisse. Déjà le bitume paraît loin. Les passagers tressautent. Les parents se marrent, c'est les auto tamponneuses en vrai, sauf qu'ils sont tout seuls. Après le pont, sortie 13, l'Opel s'enfonce au creux d'une vallée sans montagne, les sapins tiennent lieu de relief, un panneau indique Varqueville, les parents disent Que c'est beau! et c'est là."

Fille de la ville, Juliette habitait Bruxelles avant que ses parents ne décident de s'installer à Varqueville. Raison de ce déménagement: la maladie des ondes dont souffre leur fille. Il lui faut une zone blanche, c'est-à-dire une zone sans wifi ni GSM, pour que ses maux de tête insupportables et les évanouissements disparaissent.

C'est une maladie méconnue mais dont on parle de plus en plus (notamment avec le débat actuel concernant la 5G), et qui toucherait selon l'OMS entre un et trois pour-cent de la population.

Un roman à la langue poétique et fluide, et au rythme particulier que lui donne sa ponctuation singulière.

Pour Juliette, l'électrosensible aux portes de l'adolescence, c'est donc le début d'une nouvelle vie, dans une campagne à la fois belle et menaçante. Elle y rencontre d'autres enfants avec lesquels on sent que "quelque chose" peut se passer à tout moment. Une atmosphère qui rappelle "La vraie vie", d'Adeline Dieudonné, Prix Filigranes 2018, le cynisme en moins. Sans jamais condamner ses personnages, Mathilde Alet entretient très bien cette tension qu'elle installe tôt dans le livre – une forme de noirceur au creux d'un été ardennais.

Roman initiatique

Même si l'intrigue est mince et que les personnages ne font pas tous l'objet du même développement, voilà un joli roman initiatique qui se dévide par une langue poétique et fluide, et au rythme particulier que lui donne sa ponctuation singulière. Juste, dans les échanges, la verve est-elle parfois trop littéraire pour être tout-à-fait crédible dans des bouches de 16 ans.

Finalement, cette histoire d'ondes n'était qu'un prétexte. Dommage que Flammarion nous l'ait servi en quatrième de couverture et n'ait pas repris sur la jaquette le titre original du roman – "Y'A D'LA JOIE". C'est bien sur cette note que se conclut "Sexy Summer", en une splendide dernière phrase. À lire.


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